#Crisedesmedias Les multiples causes d’un certain déclin des médias imprimés

Comme vous le savez, le Groupe Capitales Médias s’est prévalu de la loi de protection des créanciers. Vous avez sans doute vu aussi que La Presse + demande aussi une nouvelle aide au gouvernement pour protéger sa survie. Très rapidement on pointe du doigt les Gafa qui ne payeraient pas leurs dus aux médias imprimés. C’est tout à fait vrai, mais ce n’est pas la seule explication des débâcles de cette industrie.

En fait, la presse est loin d’être la seule industrie qui souffre des changements majeurs qu’engendre le numérique. On a qu’à songer aux musiciens qui depuis des années, souffrent de la diminution importante de leurs revenus de droits d’auteurs à cause du numérique, aux agences de voyages qui pour la plupart ont disparues, aux commerces de détail qui vivent des transformations, aux services bancaires et aux systèmes de paiements qui sont modifiés, au secteur du taxi, de l’hébergement, de la télévision et à plusieurs autres activités économiques qui sont ou seront touchées directement par cette transformation numérique de l’économie. Depuis bientôt 20 ans, je prêche dans le désert, pour que nos entreprises et nos gouvernements s’ajustent et soient pro-actifs à s’adapter et à adapter notre société à tous ces bouleversements. Malheureusement, autant les entreprises que les gouvernements sont en mode « réactifs » plutôt que « proactifs » et ils semblent toujours ébahis lorsque le train leur passe sur le corps.

Les autres facteurs qui ont un impact majeur sur les médias imprimés

Bien avant l’arrivée des GAFA, la presse écrite était déjà vampirisée par les nouveaux services d’information continue. Les CNN, BFMTV, RDI et LCN de ce monde ont pris une part de marché importante de la diffusion des nouvelles et des revenus publicitaires qui y sont associés. En outre, très souvent ils citent les « scoops » des médias écrits sans pour autant leur payer une rétribution pour le travail d’enquêtes qu’ils ont fait. Il arrive parfois qu’ils invitent les journalistes et leur versent un cachet pour discuter de leurs trouvailles. Mais les bannières pour lesquelles ils écrivent ne reçoivent pas un sou.

En fait, le Web vit une guerre des contenus. Que ce soit pour les nouvelles, la musique, la littérature, l’art pictural ou les films, les Gafa profitent des créateurs de contenus sans pour autant les rémunérer à la hauteur de la valeur de leurs contenus. Mais ils sont loin d’être les seuls. Les fournisseurs internet qui font fortune avec un service la plupart du temps médiocre à un coût exorbitant ne payent pas non plus leurs dus aux créateurs qui font vivre leurs business. Eux aussi devraient payer une part importante à ces créateurs qui les font vivre. D’ailleurs, au moment d’écrire ces lignes, la guerre des contenus fait rage entre les Netflix, Amazon, Disney et Apple de ce monde pour accaparer des parts de marché de la nouvelle télé numérique à la carte. Les câblos n’ont qu’à bien se tenir puisque les « cord cutters » dont je suis, leur feront bientôt très mal.

Les autres facteurs intrinsèques aux médias écrits.

Comme plusieurs autres secteurs industriels, le secteur de l’information est réfractaire aux changements, est souvent dirigé par des baby-boomers qui ne croient pas au numérique et vivent dans l’illusion de l’immobilisme. Pourtant, tout comme pour les agences de voyages, plusieurs ont disparu mais certaines ont réussi à prospérer malgré les tumultes. C’est qu’ils ont réalisé qu’une portion de leur business était devenu bancale.  L’agence qui vendait des voyages en avion Montréal-Toronto n’existe plus aujourd’hui. Par contre, les agences qui se sont spécialisées, qui vendent des forfaits difficiles à acheter en ligne à cause de leur complexité, font encore des affaires. Les autres ont disparu. J’ai d’ailleurs déjà écrit que le fait journalistique n’a plus de valeur. J’y disais :

Ainsi, les journaux qui nous répètent ce qu’on sait déjà, qui sont uniforme entre eux et qui ne peuvent se réinventer, risquent comme les agences qui nous vendaient des vols Montréal – Toronto, de devenir rapidement désuet…
(…)
À contrario, si le fait journalistique ne vaut plus rien, l’analyse, la réflexion, la valeur ajoutée et le journalisme d’enquête ont maintenant une grande valeur. Le lectorat de The Economist est en progression constante tandis que celui de The New York Times est en déclin constant.

D’ailleurs, les stratégies de The Economist, de the Atlantic ou de Vice Media ont toutes à voir avec « la valeur ajoutée » de leurs contenus et une stratégie qui embrasse le numérique et le multi-plateforme au lieu d’une démonisation du numérique et d’un retard majeur et inadéquat des stratégies numériques. C’est ce qui est expliqué dans l’article de Mashable (un autre fleuron journalistique de niche) Inside ‘The Atlantic’: How One Magazine Got Profitable by Going ‘Digital First’ .

L’un des autres aspects de la croissance du lectorat et des revenus en ligne est directement lié à la capacité des usagers de télécharger les contenus. C’est ce qui explique en partie, les problèmes que connaît La Presse + (comme je l’expliquais dans mon billet Les problèmes de La Presse+ et mon point de vue), et la croissance importante des médias Norvégiens en ligne.

Going digital: The booming Norwegian news business

Some of the reasons why Norwegians choose to pay for online news are the strong tradition of reading local news, as well as Norwegian’s high internet access. Also, Norway was early in making news digital – the first Norwegian newspaper went online in the late 1990’s.

Je me souviens d’avoir fait un audit pour la présidence d’un grand groupe de presse québécois et d’avoir été estomaquée du manque de vision numérique des dirigeants et de l’entreprise. Je vous mentionne aussi que j’ai longtemps été rédactrice dans le célèbre journal Les Affaires. Essayez de retrouver l’un de mes articles dans la version numérique et vous remarquerez, tout comme moi, que toutes leurs archives ont disparu. C’est qu’à chaque nouvelle mise à jour de leurs CMS (content management system), ils oubliaient le « jus » de leurs archives. Il en va de même de la grande majorité des journaux québécois.

La perte de la neutralité journalistique

Avec l’arrivée des blogues, les journalistes craignaient pour leurs emplois parce que les blogueurs étaient considérés comme « des voleurs de jobs au rabais ». Ironiquement, après avoir conspué les blogueurs, les médias se mirent tous à créer des blogues et à embaucher une armée de chroniqueurs. Ainsi, on trouve de moins en moins « de faits » et de plus en plus d’opinions. D’ailleurs, pas plus tard qu’hier, ironiquement, le chroniqueur d’opinion Steve E. Fortin écrivait dans le Journal de Montréal dans son billet Se regarder dans le miroir dans lequel il fustigeait « le journalisme militant » :

Il ne sert à rien de se mettre la tête dans le sable, le Québec est fracturé, idéologiquement. Sur la question constitutionnelle, jadis, et désormais sur les questions liées à l’identité, au nationalisme.
On le sait, une nette, claire majorité de la population appuie l’initiative – promesse électorale – de la CAQ de légiférer dans le sens de la laïcité.
On le sait aussi, une nette et tout aussi claire majorité de chroniqueurs, éditorialistes et analystes ont transposé les anciennes fractures constitutionnelles aux dossiers liés au vivre-ensemble, à la laïcité, à l’identité, au nationalisme.
Combien de citoyens au Québec, parmi cette majorité qui appuie, légitimement, la laïcité institutionnelle ont un jour décidé de tout simplement changer de fréquence radio, ou de média à consulter au petit matin, pour s’affranchir des discours moralisateurs, et même parfois méprisants, de la part d’une intelligentsia devenue étrangère à ses préférences idéologiques.
Étrangère et adversaire farouche.
On parle ici du côté «opinion» du mur de Chine, évidemment.
Mais quand un média enfile les reportages larmoyants d’adversaires de la laïcité et refuse de passer le micro, au sein de certaines collectivités dont on dit qu’elles contestent le plus ce choix de la nation québécoise, à celles et ceux qui appuient cette initiative, on est en plein «journalisme militant».
(…)
Mais on connaît la chanson, une petite clique bien-pensante au sein des médias québécois relaiera, re-tweetera et partagera ce qui «fitte bien dans le narrative» et portera à l’index le reste. À l’index ou l’indifférence.
Et le quidam, qui ne se trouve rien d’intolérant à appuyer, comme la grande majorité de ses concitoyens, la laïcité institutionnelle, se trouvera Gros-Jean comme devant, écœuré de se faire traiter de toutes les épithètes méprisantes.
Il changera de canal. Il fermera sa radio, ou la troquera pour autre chose. Il maudira le travail, pourtant essentiel, des artisans de l’info, à côté, de l’autre bord du mur de Chine, cette bande esseulée désormais, enterrée, trop souvent, par l’opinion (mea culpa).

De l’espoir

Mais rien ne se perd, tout se transforme. Ainsi, les journalistes qui perdront leurs emplois, en trouveront peut-être dans ces nouvelles industries du journalisme corporatif. Saviez-vous que Costco publie son propre magazine déjà depuis une couple d’années? Saviez-vous qu’il font une petite mine d’or avec ça? Étiez-vous au courant qu’ils facturent près de 10 fois le prix d’une pleine page à ce que les plus grands médias du Canada facturent?

http://www.costcoconnection.com/connection/media_kit?pg=12#pg12
advertising-rate-Costco

Ils sont loin d’être les seuls. Chez PRWeek, dans l’article As news organisations suffer, corporate journalism is booming, on apprend:

Cazenove, the asset management company, has a head of content from the Telegraph. Insurance broker Aon and HSBC have managing editors from CNBC and the Financial Times. Fidelity International’s editor-in-chief came from Thomson Reuters via the FT and ITN.
The lawyers at Freshfields Bruckhaus Deringer have a guy from The Independent.Hogan Lovells, another law firm, has a managing editor from the BBC.
It’s not all high finance and corporate law. LinkedIn shows that Sotheby’s has an editorial director from Wallpaper*; Harvey Nichols has a managing editor who worked at People; and the managing editor at Eve Sleep, which sells mattresses, came from Hearst and Northern & Shell.

Cette tendance est si lourde, qu’avec mon nouvel associé, David Martin, nous sommes à mettre sur pied une nouvelle compagnie de rédaction de billets de blogues et de contenus pour entreprise. Nous avons déjà un premier client même si le nom de notre entreprise, notre mise en marché et sa structure administrative légale ne sont pas encore tout à fait complétés. C’est dire l’opportunité que ce genre d’initiative va créer dans les prochains mois.

D’ailleurs, je vous en reparlerai prochainement et dans un prochain billet, je ferai une liste des solutions possibles…

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Les problèmes de La Presse+ et mon point de vue

Je n’ai été sur La Presse + qu’une seule fois. C’était la journée de son lancement. J’avais été particulièrement impressionnée de celle-ci comme je l’avais écrit dans mon billet L’application iPad La Presse + va révolutionner la pub et l’édition.

Je suis sur le cul. Je suis fière de l’ingéniosité, de la recherche et de l’innovation qui ont été investies dans ce produit québécois. Pour la première fois de ma vie j’avais l’impression de tenir entre mes mains ce que j’imaginais être un réel journal numérique.

Mais j’écrivais aussi

Les moins de l’histoire, non elle ne sera pas disponible sur Androïd. Non tous les Québécois lecteurs de La Presse n’auront pas de iPad dernière génération, mais disons que le modèle d’affaires strictement pub de cette application viendra déjà foutre le trouble des « paywalls » du Journal de Montréal et de Le Devoir et même de la majorité des quotidiens de la planète. Le temps nous dira si cette (r)évolution fera des petits, mais déjà, j’ai comme une impression que bien des éditeurs viendront cogner à la porte de La Presse pour acquérir cette technologie.

Or, dans l’article du Journal de Montréal Climat de tension à La Presse + on apprend que :

Au dernier trimestre, Power Corporation a enregistré une perte de 65 millions $ pour ses filiales comprenant le Groupe de communications Square Victoria, propriétaire de La Presse.
Depuis trois ans, les pertes cumulées de cette division ont atteint 210 millions $.
La Presse+, qui avait également annoncé son intention de commercialiser à l’échelle planétaire son application tablette, n’a toujours pas connu le succès attendu. Pour l’instant, seul le Toronto Star a acheté l’application.

AOUCH

En marketing il y a une expression courante « Aller où se trouve le consommateur ». Or, le consommateur se retrouve sur le web, pas sur les applications. J’avais discuté de ça avec certains des « cerveaux » de La Presse+ lors du lancement mais on m’avait indiqué que la direction avait investi plusieurs dizaines de millions en recherche et que mon avis n’était pas approprié. Je m’étais donc inclinée parce que anyway, ils n’étaient pas mes clients, que Apple qui avait codéveloppé était tout de même Apple et que j’étais peut-être dans le champ.

Toujours est-il que pour l’un de mes clients qui dernièrement songeaient justement à commercialiser une application, j’ai fait une recherche sur le sujet et mes conclusions sont on ne peut plus claires. Les applications sont sur la voie de sortie et le web applicatif lui a le vent dans les voiles. Je présente d’ailleurs une version abrégée de cette recherche dans mon billet Applications , marketing, relations publiques, meilleures pratiques et modèle d’affaires.

J’y présente entre autres que

-Il est plus facile de construire une audience sur le web mobile et le desktop parce que les hyperliens y sont plus fluides

-Le trafic sur le web mobile est 2.1 fois plus important que sur les applications

-Que 65.6% des usagers américains ne téléchargent aucune application par mois

-Que le « hybrid HTML5 » est la voie de l’avenir
Et que

Proclamations of an all-native mobile app world ignore the fact that browsers and the web are fast becoming the mobile operating system of the future, and native apps are slowly dying.

The average American now downloads zero apps per month

The web is and will always be the most popular mobile operating system in the world — not iOS or Android.

Mais bon, dans la tête des patrons de LaPresse+, un conseil gratuit est un conseil qui ne vaut probablement rien…

D’ailleurs, ma vision est aussi partagée par les potes Stéphane Hamel et Emmanuel Scotto sur mon mur Facebook

Stéphane Hamel Michelle Blanc absolument, les apps sont en voie de disparaître (et les grands joueurs poussent pour ça). La Presse aurait avantage à appliquer un concept “à La Presse+” en révisant le site web pour qu’il soit:
a) progressive web app – même code sur toutes les plateformes
b) responsive – une évidence!
c) personnalisé – en ce moment, créer un profil ne donne pas grand chose…
d) et aussi… à ne pas négliger, plus engageant et responsable en ayant un code de conduite sur les commentaires (ex. seul les abonnées peuvent commenter, personne réelle, score de réputation, etc.)

Emmanuel Scotto Quand je disais il y a 2 ou 3 ans que l’application mobile était vouée à l’échec économiquement (autant de développement que de plateforme), on me rigolait au nez 🙂
aujourd’hui beaucoup en revienne. A noter: techniquement, beaucoup d’applications actuelles sont en fait des appli 100% techno web (HTML5/CSS3/JSON/ANGULAR/…) “enveloppées” dans une coquille appli dédiées.

 


L’application iPad La Presse + va révolutionner la pub et l’édition

Aujourd’hui je reçus le téléphone d’un journaliste de La Presse Canadienne qui voulait savoir ce que je pensais de la nouvelle application iPad de La Presse. Je lui répondis que je ne l’avais pas encore expérimenté (j’arrive à peine du lancement), mais que mes attentes n’étaient vraiment pas élevées. Les versions précédentes de l’application La Presse étaient juste un peu mieux que médiocres. C’était plus facile de s’y retrouver sur la version web que sur l’appli mobile. C’est tout dire. Par ailleurs, ayant toujours la première version de l’iPad, les mises à jour des apps, ne fonctionnent pas toujours correctement. D’ailleurs pour profiter pleinement de LaPresse +, il faudra la version 6.1 de l’OS. Je ne sais donc pas si demain matin, lorsque l’app sera disponible pour tous, gratuitement, avec accès à tous les contenus textuels et enrichis de LaPresse, si elle fonctionnera sur mon antiquité iPad.

Mais ce soir, l’ayant expérimenté sur un iPad dernière génération, je suis conquise. Je suis sur le cul. Je suis fière de l’ingéniosité, de la recherche et de l’innovation qui ont été investies dans ce produit québécois. Pour la première fois de ma vie j’avais l’impression de tenir entre mes mains ce que j’imaginais être un réel journal numérique. Je suis même certaine que ça va changer le monde de l’édition. Imaginez des pubs réellement applicatives avec lesquelles vous pouvez interagir? Et je ne parle pas là de petits GIFs animés « boboches » auxquels les bannières web nous ont habitués. Une vraie interaction et une pub, comme dans le journal papier, mais qui se tasse selon notre volonté, avec laquelle on peut s’amuser, et qui n’est vraiment pas intrusive.

Les moins de l’histoire, non elle ne sera pas disponible sur Androïd. Non tous les Québécois lecteurs de La Presse n’auront pas de iPad dernière génération, mais disons que le modèle d’affaires strictement pub de cette application viendra déjà foutre le trouble des « paywalls » du Journal de Montréal et de Le Devoir et même de la majorité des quotidiens de la planète. Le temps nous dira si cette (r)évolution fera des petits, mais déjà, j’ai comme une impression que bien des éditeurs viendront cogner à la porte de La Presse pour acquérir cette technologie. Je vous prédit aussi que les vendeurs de pubs qui se prélassaient à vendre de la petite bannière auront désormais du pain sur la planche et des devoirs à faire et que les créatifs publicitaires, jouiront de plaisirs à inventer de nouvelles possibilités d’interactions avec les usagers pour leurs clients.

Bravo l’équipe de La Presse et non je ne suis pas payée, commanditée ou encouragée de quelques façons que ce soit pour faire cette liche…

MAJ
plus de détails du président éditeur de La Presse, monsieur Guy Crevier La Presse+ sera offerte gratuitement

MAJ2

J’apprends du twitt de Pierre Arthur, le directeur de la recherche de LaPresse (celui qui m’a fait une démo personnelle hier soir).

@MichelleBlanc Merci. PTI LaPresse+ sera Android pour décembre 2013

Par ailleurs, le pote et ancient prof de ma M.Sc. commerce électronique Robert Gérin Lajoie sur Google+ (et trop grand passionné de Java à l’époque, ce qu’il nous a fait “rusher” avec ce criss de Java) fait un commentaire très éclairé de ce billet, que je reproduis ici sans sa permission. Mais comme je l’aime, que c’est réciproque et qu’il est pertinent, je doute qu’il me poursuive 🙂

Oui, Michèle, bravo pour LaPresse. Ils ont surtout compris que l’avenir réside dans l’ouverture. C’est simple les publicitaires veulent et exigent une audience large! Les journaux deviennent une plate-forme de curation de contenu. Les chroniqueurs deviennent des animateurs de communauté. Les “PayWall” nuisent aux revenus publicitaires, et surtout à l’audience et l’impact des chroniqueurs, ainsi qu’à leur propre carrière!

C’est inspirant pour d’autres secteurs. Je pense en particulier à l’éducation universitaire….et ses enseignants qui sont ou pourraient devenir des vedettes d’un domaine pointu….

LaPresse a mis la priorité sur iPad parce que leurs focus group québécois pensent encore selon le marché existant aujourd’hui et hier. Souhaitons que leur planification de faire la version Android dans l’année deviennent une réalité. Il serait très intéressant de comprendre pourquoi ils ont fait une version native IPad plutôt que HTML 5 “pure”. Il faudrait rechercher les avis éclairés d’un artisan sur le sujet.

Et dans un autre statut Google + il ajoute

Une bonne analyse en provenance de l’Ontario, par le biais de ChantalHébert et portant sur l’erreur des “Paywall”, ou pourquoi faire payer les lecteurs coupent les revenus des journaux et surtout comment cela restreint le nouveau rôle des journaux. Une référence de @ChantalHbert sur twitter, une réaction personnelle aux commentaires de +Michelle Blanc Le tout dans le contexte de la sortie de la version de La Presse sur l’IPad.
Are we beating our heads against a paywall?

Les médias traditionnels (presse écrite) Twitter, hyperliens et la perte de crédibilité

Ce matin j’ai partagé le statut suivant :

Toujours navrant de constater à quel point les médias trad. ne font que du “push” sur les médias sociaux

J’ai pris l’exemple des comptes Twitter des grands groupes de presse au Québec, mais j’aurai pu aussi bien prendre celui des médias électroniques, que ceux de plusieurs journalistes.

https://twitter.com/#!/Jdemontreal
https://twitter.com/#!/LeDevoir
https://twitter.com/#!/LP_LaPresse
https://twitter.com/#!/mtlgazette
https://twitter.com/#!/la_lesaffaires

On peut y remarquer que les statuts de ces divers médias ne traitent presque exclusiment d’eux-mêmes. Ces médias ne font pas de RT (si ce n’est que de l’info de l’un de leurs propres journalistes ou pour une caution à leur endroit d’un membre de la plèbe), ils ne dialoguent avec personne et n’ont, somme toute, aucune interaction avec l’auditoire. ALLÔ LA COMMUNICATION ???

Ils sont les meilleurs et ils le montrent ! Ça me fait aussi songer à un article vu sur Gigaom cette semaine Is linking just polite, or is it a core value of journalism? C’est le même genre de constat. Les journalistes ne citent pas leurs sources (par hyperlien sur le Web ou en mentionnant un autre média) lorsqu’ils « dévoilent » la nouvelle. Ils ont rêvé à ça durant la nuit et au réveil, ils savaient par exemple que Apple a acheté une nouvelle entreprise !

Late last week, TechCrunch writer MG Siegler broke the news that Apple was buying an app-discovery service called Chomp — although he didn’t say where that news came from, just that it was a reliable source. The Wall Street Journalreported the same news several hours later, confirmed by an Apple source, but didn’t link to Siegler, who then wrote aprofanity-laced tirade criticizing the WSJ for its failure to include a link to him in its story (we at GigaOM, meanwhile, wrote about why the acquisition made sense for Apple, and credited TechCrunch with breaking the story).

Je connais une couple de journalistes technos qui dans leur blogue ou leur papier, ne disent jamais « j’ai lu ça dans tel article, blogue, forum » et j’ajoute MA perspective. Non, ça ne ferait sans doute pas sérieux et la science infuse fait sans doute partie du fameux code déontologique des journalistes. Quoi qu’il en soit, en cette ère de changement, ceux qui apprendront le plus vite à communiquer dans les deux sens et à reconnaître le crédit de la nouvelle par hyperlien, à qui de droit, sont ceux qui risquent le plus de devenir eux-mêmes des sources crédibles…

I’ve argued before that I think this failure to link is a crucial mistake that mainstream media outlets make, and also an issue of trust: since the Journal must know that at least some people saw the Siegler post, why not link to it? The only possible reason — apart from simply forgetting to do so — is that the paper would rather try to pretend that it was the first to know this information (and it also apparently has a policy of not linking if a WSJ reporter can independently confirm the news).
Is that the right way to operate online? I would argue that it is not, especially in an environment where trust matters more than so-called “scoops.” I think that is the kind of world we are operating in now, since the half-life of the scoop is so short. But if scoops don’t matter, then why should it matter if the WSJ credits Siegler or not? I think that failure to link decreases the trust readers have, because it suggests (or tries to imply) that the outlet in question came by the information independently when they did not.

Élection fédérale 2011 et médias sociaux = pochitude à peine consommée

Ça fait déjà quelques semaines que j’accorde des entrevues à divers médias concernant nos politiciens sur les médias sociaux. Ils sont d’une pochitude exemplaire (pour les potes d’ailleurs « pochitude » signifie en Québécois nouveau, être nul, vraiment pas bon). En général, parce qu’il y a des exceptions bien sûr, ils se servent des médias sociaux comme des poteaux le long des autoroutes ou comme les pubs qu’ils passent à la télévision. En mode push, pas en mode conversationnel. Pour vérifier par vous-même qui est influent, de quoi ils parlent et où s’en vont les discussions, visitez le site Politwitter.ca qui recense et compare au niveau statistique, la présence de nos élus sur les médias sociaux. Je vous invite aussi à lire ou écouter diverses entrevues que j’ai données sur ce sujet vraiment décourageant (je vous invite aussi à lire ou relire mon billet Quel parti politique canadien va se tenir debout pour l’économie numérique?) :

Petite note ironique : Ce matin apparait sur mon fil twitter :

@michelleblanc 20% des électeurs inscrits comptentsur les médias sociaux pour rester informé sur les questions politiques http://ow.ly/4xJdS

La revue de presse des entrevues accordées:

Avantages et désavantages des médias sociaux (suite de ma réponse à monsieur Foglia)

En commentaire à mon billet d’hier, Expliquez-moi ce rien – réponse à monsieur Foglia, F. Desjardins me demande :

(…) Je suis déçu. Non pas que vos propos ne soit pas justes, mais il semble qu’ils passent à coté de la question. Vous avez senti l’attaque vis-à-vis les média sociaux de façon plus forte que la question du “rien” qui est le réel sujet..? Oui, il y a du “rien” dans d’autres média. Mais ne me dites pas “Les médias sociaux sont corrects parce que dans la télé y’a aussi des niaiseries”. Expliquez-moi plutôt en quoi les médias sociaux ont une part d’utilité. Répondez à M. Foglia comment ce média, tel ses prédécesseurs, amène une pertinente avancée pour notre société. Je sais que ces avantages doivent exister, qu’elles sont en train de s’établir. J’espérais une réponse structurée qui en ferait la synthèse, ce qui tournerait mieux le journaliste en bourrique que cette montée de lait du genre “les autres sont pas mieux!”. (…)

Or comme je le mentionne dans ma réponse à M. Foglia, le livre Les médias sociaux 101, a répondu de manière assez développée à la question « en quoi les médias sociaux ont une part d’utilité ». Je n’ai donc pas le goût et ou la patience de répéter ici ad nauseam, les mêmes choses que je dis déjà depuis 10 ans. De plus, comme je le mentionne aussi, l’insidieuse guéguerre « les médias sociaux ne sont pas pertinents (inclure aussi les blogues) comparativement au travail des journalistes » est un débat déjà fait, mort et enterré. Par contre, comme l’indique Marc Snyder, il est peut-être bon, encore une fois, de répéter de façon succincte, certains des avantages et inconvénients des médias sociaux.

En réponse à F Desjardins, qui demandait à Michelle de “(répondre) à M. Foglia comment ce média, tel ses prédécesseurs, amène une pertinente avancée pour notre société, je dirais qu’il y au moins quatre choses qui me viennent à l’esprit:

  • La facilité et le faible coût de publication et de distribution: Les précédents médias cités par Michelle étaient réservés aux créateurs et/ou consommateurs de contenu extrêmement privilégiés (sur les plans monétaire ou intellectuel).
  • La rapidité de publication et de distribution: Un exemple patent est la valeur de Wikipedia par rapport à celle de l’Encyclopédie Britannica. Un des deux devient caduc assez rapidement; je vous laisse deviner lequel.
  • L’interactivité: Vous avez pu commenter le billet de Michelle (et elle aurait pu choisir de vous répondre) et je peux commenter votre intervention. Aucun des médias cités par Michelle ne le permettaient.
  • La consommation asynchrone: Les médias sociaux, je les consomme quand je le choisis, sur la plateforme que je choisis. Pas la radio, pas la télé. (…)

À ces avantages je rajouterais :

  • La création de relations personnelles et de conversation grâce aux médias sociaux. Par exemple Yulbiz, Yulblog, de tweetup et une ribambelle d’autres événements dans « le monde non virtuel» ont lieu à chaque jour sur la planète et permettent à des gens de se rencontrer et de jaser « à échelle humaine » et viennent directement des médias sociaux.
  • La culture du remixage permet de copier-coller différents éléments trouvés sur le web et de créer de nouveaux contenus, produits et services. C’est aussi de cette culture qu’est issu ce qu’on appelle les « widgets » et les « mashups », que moi j’appelle le pâté chinois et qui pourrait permettre par exemple d’utiliser une carte Google pour montrer où sont situé géographiquement et à peu de coûts, les différents libraires indépendants au Québec (si ceux-ci étaient plus au fait des médias sociaux).
  • L’augmentation de la transparence et de l’imputabilité des organisations privée et publique. Grâce aux médias sociaux, les organisations travaillent maintenant plus difficilement en vase clos et les différentes arnaques qu’ils utilisent pour duper les gens sont maintenant mise à jour de façon directe et régulière, les forçant à devenir plus éthiques et transparentes.

Les désavantages :

  • L’infobésité qui nous fait perdre des fois d’excellents contenus qui peuvent ne pas être mis en valeur à cause du trop grand flux d’information. Cependant, ce désavantage est compensé par le mécanisme d’autorégulation du Web que sont les hyperliens externes qui agissent comme des votes de confiance et qui font percoler (expression de mon collègue blogueur Martin Lessard) les contenus de qualité au-dessus de la masse, dans les moteurs de recherche et dans les contenus des médias sociaux (comme sur les raccourcisseurs d’hyperliens de twitter par exemple).
  • L’anonymat qui peut être une plaie des médias sociaux et qui dans certains cas permet les contenus haineux, les bitcheries facile et la polarisation des débats qui serait généralement plus sains.
  • La cyberdépendance qui quelquefois affecte les usagers qui n’ont pas encore pris conscience qu’une des fonctions fondamentales des outils de technologie de l’information est le bouton « off ».

Expliquez-moi ce rien – réponse à monsieur Foglia

Ce matin, dans le Journal La Presse, le célèbre chroniqueur Pierre Foglia se pose une question « média social » dans sa chronique Expliquez-moi ce rien. Je crois être bien placée pour illuminer les lanternes de cet excellent chroniqueur que j’aime beaucoup, mais qui n’est malheureusement plus de son temps. Il questionne les médias sociaux, Facebook et Twitter en ces termes :

C’est ici, amis lecteurs, qu’il faut m’expliquer la nature de ce rien qui m’échappe totalement, de ce rien qui est 90% de ce qui s’écrit dans les médias sociaux.
Expliquez-moi pourquoi l’intime le plus plat, en cela qu’il est le moins intime qui soit, est en train de révolutionner les communications en 140 caractères? A-t-on à ce point besoin de ne rien se dire pour se reconnaître et s’apprécier?
(Nota bene: s’il devait s’en trouver un, un seul pour me rappeler que j’aime me proclamer le maître planétaire du rien, je le gifle.)

Comme je ne veux pas être giflée par monsieur Foglia, je ne dirai certainement pas qu’il est sans doute le plus grand blogueur à ne pas avoir de blogue et qu’il est effectivement le maître planétaire du rien … littéraire et passionnant. Je lui dirai plutôt que les médias sociaux sont souvent appelés des « médias conversationnels ». Que la conversation humaine (tel que le défini Wikipedia)

(…) est un échange d’informations entre au moins deux individus, portant généralement sur un sujet précis. La conversation est une forme courante de communication qui permet à des personnes de faire connaissance.

Selon le cours autodidactiques de français écrit, on dit aussi :

La conversation s’oppose aux autres formes d’interaction (entretien, débat, colloque, pourparlers, conciliabule, etc.) par son caractère familier, improvisé et gratuit: aucune de ses composantes n’est fixée à l’avance — nombre des participants (variable d’une conversation à l’autre et même au cours d’une même conversation, ce nombre devant toutefois rester relativement réduit), thèmes traités (également variables, et prêtant à la digression: une conversation se fait “à bâtons rompus”), durée de l’échange et des différentes répliques, alternance des tours de parole, — et elle n’a pas d’autre finalité que sa propre pratique, elle est coupée de tout but instrumental. Sa principale motivation est le plaisir.

Mais dans « média conversationnel » il y a aussi « média ». Wikipedia décrit le média comme étant :

(…) tout moyen de communication, naturel ou technique, qui permet la transmission d’un message. Couramment, on utilise désormais le terme de média pour décrire les médias de masse (de l’anglais « mass-media ») , soit un moyen de diffusion collectif, permettant de rapidement communiquer à un public vaste et hétérogène. Voici une liste non-exhaustive de média : Le langage, l’écriture, musique, la presse, la radio, la télévision ou encore Internet.

À la lecture de ces définitions et à la relecture du texte de monsieur Foglia, je me demande ce qu’il ne comprend pas? A-t-il de la difficulté avec la nature conversationnelle ou celle médiatique des médias sociaux? Trouve-t-il que la somme des riens (qu’il estime à 90% sans y avoir été lui-même comme il l’affirme) n’est d’aucune utilité et que les médias sociaux se devraient d’être utiles? Bref, son questionnement me semble flou, et plus être un épisode d’exaspération (comme l’on fait avant madame Petrowski avec 4 ans de retard sur Nuovo et Martin qui eux-mêmes étaient 2 ans en retard du reste de la planète) de celui qui tout en disant vouloir comprendre, s’évertue à démontrer l’inutilité de s’intéresser à ce qu’il dit vouloir comprendre.
J’ai maintes fois ici expliqué que les médias sociaux (on en a d’ailleurs tiré un livre Les médias sociaux 101, qui expliquerait certainement plus en profondeur la question à monsieur Foglia) et plus spécifiquement Facebook et Twitter, sont des médias conversationnels qui incluent du très pertinent et du très anodin. Que même dans l’anodin il y a des informations capitales pour qui sait les mettre en contexte et qu’il «n’est certes pas nécessaire d’être sur les médias sociaux ». Il n’est pas non plus nécessaire d’avoir le téléphone, la télé, la radio, le journal ou le livre. Ce sont tous des médias qui ont leurs atouts, mais on a bien vécu des milliers d’années sans le livre. Lorsqu’on critique les médias sociaux comme étant inutiles, c’est comme si on disait que le livre est inutile et qu’on s’efforce de trouver des exemples d’inutilités qui ont déjà été écris dans ceux-ci pour prouver notre point de vue. Ou pourrait aussi isoler « la télé-réalité » qu’on mettrait sur le même pied d’égalité qu’un Charlie Rose, puis se justifier en disant 90% de la télé est de la télé-réalité.
C’est ici, amis lecteurs, qu’il faut m’expliquer la nature de cette télé qui m’échappe totalement, de ce rien qui est 90% de ce qui est diffusé dans les médias électroniques.


J’informe aussi monsieur Foglia que je n’écoute JAMAIS d’émission sportive à la télévision. Je trouve ça personnellement complètement inutile, d’une perte de temps sans nom et je ne comprends pas que des gens soient grassement payés pour aller voir à notre place des événements sportifs et nous les expliquer et les décortiquer jusqu’à la fin des temps. Cependant, jamais, au grand jamais, je ne m’amuserais à croire que les gens que ça intéresse, qui y investissent du temps, qui en discutent, qui lisent sur le sujet et qui écrivent là-dessus nous font perdre collectivement du temps et des ressources et qu’il faut m’expliquer pourquoi ils sont fascinés par ce grand rien?
C’est sans doute une question de génération, de culture ou de peur du changement….

MAJ

Ce matin, dans sa chronique L’exercice physique, monsieur Foglia revient sur sa prise de position initiale concernant Twitter :

PAN! SUR LES DOIGTS – Un prof de philo à la retraite, Edgar P., m’a trouvé bien imbécile dans ma dernière chronique sur Twitter et Facebook et il n’a peut-être pas tort.

Citer les entrées de Coeur de pirate sur Twitter pour prouver la futilité de Twitter, me dit-il, est comme citer des extraits de la biographie de Justin Bieber pour ridiculiser la littérature.

Touché.

En fait, cela n’excuse rien, mais explique peut-être un peu ma lapidaire généralisation. Plus que les entrées de Coeur de pirate, j’ai écrit cette chronique sous le choc d’une entrée de Denis Coderre qui, une semaine avant Noël, faisait un appel à tous pour une suggestion de cadeau pour sa fille de 18 ans. Reconnaissez, professeur, que M. Coderre est un personnage type de Twitter, on le représente souvent comme le prototype de l’homme d’action plogué direct sur la modernité par Twitter et… et rien, sauf ceci peut-être: devant cette modernité-là, il ne me déplaît pas d’être un homme des cavernes.

Mais je vous donne raison sur l’essentiel. Cela prend plus qu’une petite chronique à la va-vite pour faire le tour d’un phénomène aussi complexe. Là, vous êtes content?

Alors oui je suis contente et ce matin je vais justement chez mon éditeur et c’est avec grand plaisir que je vais lui demander de vous envoyer une copie de Les médias sociaux 101, qui vous aidera certainement à comprendre ce phénomène, et vous permettre d’être un homme des cavernes, en toute connaissance de cause…